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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 16:29

Piaf, amoureuse et impatiente, lui avait demandé de prendre l’avion plutôt que le bateau pour la rejoindre à New York. Marcel Cerdan a cédé. Ce 27 octobre 1949, il est monté à bord du Constellation qui l’emportait vers son amante et vers Jake LaMotta, son prochain adversaire.

Ils sont quarante-huit dans cet avion, un fleuron de l’aviation française baptisé « la nouvelle comète d’Air France ». Quarante-huit personnes, dont Marcel Cerdan et la prodigieuse violoniste Ginette Neveu. Quelques heures après le décollage, le Constellation percute le mont Redondo aux Açores. Il n’y a pas de survivants.

Anonymes réunis

La presse française retient la perte d’un grand champion de boxe, et dans une moindre mesure celle d’une virtuose. A mi-chemin du roman et de l’enquête, Adrien Bosc sort de l’oubli les autres passagers, anonymes réunis par le destin.

De ce drame collectif, Bosc s’attache à combler les vides, qu'ils concernent les rescapés, ceux qui pour une raison ou une autre ont renoncé à ce vol à l’exemple du luthier Etienne Vatelot, ou les passagers dont on ne savait rien.

Fragments

Il ressort de ce premier roman l’impression d’une photo d’après-guerre, époque ouverte à tous les possibles. A bord du Constellation, des hommes et des femmes nourrissent les appétits d’un monde nouveau : une fratrie basque émigre ; Amélie, l’ouvrière bobineuse, se découvre héritière d’une riche marraine américaine ; un couple divorcé doit se réconcilier à l’autre bout de l’Atlantique ; Kamen est l'homme qui invente le produit dérivé auprès de Walt Disney ; un ex espion alsacien part solder ses rêves américains...

Autant d’histoires authentiques dont Adrien Bosc assemble les fragments et les coïncidences pour tisser les fils de la destinée. Chaque personnage pourrait être le héros d’un roman. Bosc a préféré les assembler en une pluie d’étoiles tombées une nuit au-dessus des Açores. 

« Constellation » par Adrien Bosc. Stock. 193 pages. 18 €.

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Photo Benjamin Colombel.

Adrien Bosc a obtenu le Grand prix du roman de l'Académie française 2014

pour son roman « Constellation ».

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1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 14:49

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Serge Joncour  2012 / David Ignaszewski

 

Les lecteurs du Maine Libre ont décerné leur prix à son roman. De bon augure? Toujours est-il que « L'écrivain national » (éditions Flammarion) est en lice pour le prix Renaudot. 

 

Ce roman est-il né de l’envie de parler d’une vie d’écrivain ?

Du moins du rôle de l’écrivain dans la société. À force d’aller dans les librairies, les salons, ou là où on m’invite, je m’aperçois qu’un écrivain devient vite un confident. On a lu ses livres, ce qui donne une idée assez précise de sa structure mentale. Même sans le connaître vraiment, une certaine intimité s’installe. C’est ainsi qu’il devient vite le réceptacle d’histoires qu’on lui raconte.

Votre héros, un écrivain qui s’appelle Serge, a le don d’observer les choses un peu en biais…

Il ne se sent pas complètement à sa place. Je suis pareil. Quand on se retrouve à passer un certain temps dans une ville de 2 000 habitants qu’on ne connaît pas, on n’a pas les repères habituels. On devient visible auprès des habitants et soi-même, on voit tout.

 

Par exemple les affrontements autour d’un projet industriel…

Dès qu’un écrivain arrive quelque part, on attend quelque chose de lui : un texte élogieux sur la commune, une prise de position... Cette situation particulière ne met pas à l’aise. Face aux enjeux locaux, ici la construction d'une usine qui offre le paradoxe de proposer une énergie écologique tout en coupant les arbres de de la forêt, chacun sort du bois. Les jeunes installés en lisière du village, les « néoruraux » suscitent aussi la méfiance. Ces jeunes qui choisissent la campagne parce que la vie y est moins chère ne sont pas toujours bien acceptés.

 

Votre livre aurait pu s’intituler « L’amour et la forêt »…

(Rires). Ma forêt est un monde à la frontière entre le conte pour enfant et un milieu hostile. Les grands bois sont comme la mer. Il faut maîtriser les codes. Je suis fasciné par les forêts profondes, avec leurs zones d’ombre où l’on peut se perdre. Quant à l’amour, Serge vit une histoire insolite. Dora est comme la forêt : très attirante et en même temps on peut s’y perdre.

 

La vie de Serge, écrivain nomade, ressemble-t-elle à la vôtre ?

J’ai besoin de bouger tout le temps. J’adopte la phrase de Colette : « Il suffit qu’une porte soit ouverte pour qu’on me cherche partout ». Quand je suis à Paris, je me sens assigné à résidence. En fait, je n’aime pas la ville. C’est pour ça que je m’y retranche pour écrire.

 

 

Propos recueillis par Frédérique Bréhaut.

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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 16:24

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« Dis-moi Jeoffrey, si ton point fort est l’hortografe, je me demande quels sont tes points faibles… ». Cruelle, la première affectation imposée par l’Education nationale à ses jeunes enseignants. Quelques mois plus tôt, ils étaient sur les bancs de la faculté, auréolés de leurs succès, lestés du poids des humanités et de leurs dignes prédécesseurs.

 

Et les voilà, un matin de septembre, sur un quai de gare, prêts à partir pour une province inconnue où les attendent, dans un collège quelconque, des ados pubères et immatures.

 

C’est cette aventure que raconte Emmanuelle Delacomptée dans « Molière à la campagne » (Lattès), un récit plein de légèreté et de pertinence.

 

Exophore et valence


Sur le quai de la gare Saint-Lazare, Emmanuelle fait le point : après « des dissertations de sept heures, une maîtrise imparable de l’exophore mémorielle, une science sans faille de l’évolution des sons [aü] et [eü] au XVIIIe siècle, une acquisition sûre de la notion de valence et d’analyse actancielle, une compréhension intime des hypotyposes, une fréquentation assidue du « Canzionere » de Pétrarque, l’Education nationale m’expédie dans les tréfonds de l’Ouest, au cœur de la Haute-Normandie, entre les départementales D32 et D547, à Saint-Bernard de l’E. »

 

Emmanuelle va découvrir ses premiers élèves, les Douglas, Jordan, Jeffrey, Kelly, Charlotte et quelques autres. Pas facile, mais elle va devoir affronter pire danger : les parents d’élèves, les collègues, les supérieurs… L’Education nationale dans toute sa pesanteur et son ridicule.

 

Le lecteur partage le cours de psychologie collective mensuel, les nombreuses réunions, vacille d’un acronyme (Clippa) à d’autres (Clis, Capsais, Segpa, UPI, Capa-SH, Sessad).

 

Appreneurs et géniteurs

 

Le ton est léger, plein d’autodérision et de pertinence. On sourit, on grimace, on s’indigne. C’est dans la description de la gabegie de l’Education nationale que la plume d’Emmanuelle Delacomptée est la plus acerbe et la plus vive.

 

La scène du cours de grammaire – pardon de « discours raisonné de la langue » – en présence de Mme Castaing, l’inspectrice, est une merveille de preuve par l’absurde du dysfonctionnement des formations en IUFM. Il en va de même pour ce cours « qui rencontre un grand succès auprès des primo-enseignants : la transgression des apprenants ». Ah, les appreneurs, les apprenants, les géniteurs d’apprenants (les parents d’élèves, quoi…) !

 

Emmanuelle Delacomptée fait œuvre d’excellente pédagogue en nous révélant ce à quoi sont confrontés les jeunes enseignants. On comprend mieux leurs craintes, leurs doutes, leurs défaites. Certains partent, d’autres craquent. Et d’autres résistent, s’accrochent, parce qu’ils croient en ce qu’ils font. Et parce qu’ils croient que les enfants, si exténuants et si « attachiants » soient-ils, méritent d’avoir une chance.

 

« Molière à la campagne » d’Emmanuelle Delacomptée. Editions Jean-Claude Lattès. 264p. 16, 50€.

 

 

Olivier QUELIER.

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2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 20:58

Fidèle aux rapports de domination qui traversent son  œuvre, Eric Reinhard signe un roman habité par un magnifique portrait de femme. Bouleversant, « L’amour et les forêts » vous tranche en deux.

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut.

 

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Photo Catherine Hélie.


Qui est Bénédicte Ombredanne, qui a adressé à l’écrivain Eric Reinhardt des lettres sensibles inspirées par la lecture de son roman « Cendrillon » ? Ils se rencontrent à la terrasse d’un café parisien. Elle a la trentaine discrète, plutôt jolie sous l'allure anodine. Agrégée de lettres, spécialiste de Villiers de l’Isle Adam, Bénédicte enseigne à Metz où elle vit auprès d’un mari et de deux enfants. Rien de bien romanesque chez cette femme ordinaire éprise de littérature.

 

Pourtant, l’écrivain pressent des territoires saccagés. Au fil de leur correspondance intermittente, Bénédicte confie sa vie suppliciée par l’emprise d’un mari tyrannique. « L’amour et les forêts » traque le calvaire intime et silencieux d’une femme brillante soumise à la violence psychologique. Bénédicte la réservée se révèle capable d’audaces aussi inouïes (et voluptueuses) qu’une visite chez un inconnu dragué sur Meetic. Toutefois, c’est pour mieux rentrer dans le rang et subir des assauts encore plus terrifiants.

 

Bonheur de contrebande

 

Eric Reinhardt suit dans ses moindres frémissements une héroïne vulnérable, exténuée, tuée à petit feu par le despotisme d’un harceleur d’autant plus nocif qu’il alterne phases de repentir et d’attaque. Sous les regards croisés orchestrés par le romancier apparaît une Bénédicte complexe, éprise d’absolu. Seuls la quête de la beauté et l’amour des mots, territoire sacré hors de portée d’un mari névrosé, offrent leurs fragiles recours.

 

Par-delà la mécanique d’une relation dégradante d’une justesse poignante, Eric Reinhardt creuse la veine des renoncements, des aspirations mises sous le boisseau. À la fois déchirante et lumineuse, la peinture subtile des tourments liés au refus de se trahir, fût-ce au prix fort, témoigne d'une sensibilité vibrante. La même force éclaire des pages somptueuses sur l’intensité d’un bonheur de contrebande cueilli en forêt.

 

Si Emma Bovary, la présidente de Tourvel ou madame Rênal revenaient aujourd’hui, elles reconnaîtraient en Bénédicte Ombredanne une sœur en naufrages solitaires.

 

« L’amour et les forêts » d’Eric Reinhardt. Gallimard. 366 pages. 21,90 €. 

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29 septembre 2014 1 29 /09 /septembre /2014 18:52

Le 1er octobre, c’est « my first day in my new box ». Même si la société n’est pas ouverte à l’international, il m’a semblé malin de plonger dans le dernier livre de Jean-Loup Chiflet (John-Wolf Whistle) et d’améliorer mon anglais des affaires avec ce « guide insolite » qu’est « Sky my boss ! / Ciel mon patron ! ».

 

Par Olivier QUELIER. 

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Le principe du nouveau livre de Jean-Loup Chiflet est simple  – et il a déjà fait ses preuves avec son best-seller (meilleur vendeur) « Sky my husband ! / Ciel mon mari ! » : on prend une expression, on cherche à la traduire littéralement en s’assurant qu’elle ne signifie rien dans la langue choisie et que le résultat est le plus comique possible, puis on donne la bonne traduction.

 

Cette fois, Chiflet s’est amusé à « dénicher le vocabulaire et les expressions les plus utilisées dans les bureaux et à en donner une traduction ». Il faut dire que l’anglais reste la bête noire des cadres (ils sont 46, 8% à estimer avoir un niveau d’anglais débutant). Le succès du livre semble donc assuré, les doigts dans le nez (« fingers in the nose » ?).

 

Grâce à Jean-Loup Chiflet, je suis sûr que dès mercredi « je vais faire un tabac » (« I’m going to be a big hit » et non « I’m going to make a tobacco »).

 

Je me permettrai peut-être de signaler à mon boss qu’on ne dit pas « let’s come back to our sheep » mais « let’s get back to business » (« revenons à nos moutons »).

 

Je ne sais pas si l’un de mes collègues « boit comme un trou » (« drinks like a fish » et non « like a hole ») ; en tout cas, à l’heure du déjeuner, je leur demanderai s’ils n’ont pas « la dalle » (pas « don’t you have the stab » mais « aren’t you starving » ?).

 

Recto-verso

 

« Sky my boss ! / Ciel mon patron ! »  est un livre drôle et utile. L’air de rien, les expressions correctes s’impriment dans notre mémoire et, oubliant la traduction littérale, vous en arrivez à employer, avec naturel, la bonne formule.

 

La livre est découpé en une dizaine de chapitres et structuré en recto-verso : une partie français-anglais et une partie anglais-français. Histoire de comprendre lorsque l’on vous lance : « The world is my oyster », « le monde est à moi » et non «  le monde est mon huître » !

 

Bref, et puisque cette histoire de nouveau boulot est on ne peut plus réelle, je terminerai en m’exclamant : « I’m brought home the bacon », « j’ai décroché le gros lot » (et non j’ai rapporté le jambon à la maison »).

 

« C’est le pied ! » (« It’s the foot » ou « It’s teh big hit » ?).

 

 

That’s all, folks.


« Sky my boss ! / Ciel mon patron ! »  de Jean-Loup Chiflet, éditions Chiflet&Cie. 170 p. 12, 95€.

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 14:58

L’auteur d’« Au pays des kangourous » revient avec un roman qui puise une fois encore aux racines de l’enfance. Pour en extraire les douceurs et les douleurs, pour en inventer tous les possibles. Gilles Paris peint « L’été des lucioles » aux couleurs de la tendresse et de la magie.

 

Par Olivier QUELIER.

 

 


Rares sont les écrivains qui savent se mettre dans la peau des enfants, adopter leur langage, retrouver leur vision du monde. Il y eut Romain Gary autrefois, Patrick Cauvin naguère. Gilles Paris est de cette eau-là, qui sait créer des personnages d’une dizaine d’années et en faire des héros naturels et attachants. Pour preuve Victor, plongé au cœur de « L’été des lucioles ». Un roman grave et léger, pas si naïf qu’il y paraît et plus mystérieux qu’on l’imaginait…

 

« J’ai deux mamans et un papa qui ne veut pas grandir » note Victor au début du roman qu’il décide d’écrire pour raconter cet été différent des autres. Un été de transition, un été de formation au cours duquel il va découvrir « la magie des lucioles ».

 

Avec Gilles Paris, on ne retombe pas seulement dans le monde des candeurs de  l’enfance, de ses émois, de ses amours tremblantes et de ses amitiés naissantes. On partage une saison qui transforme Victor en un petit bonhomme « extraordinaire », au sens premier du terme.

 

Sur le chemin des douaniers


« L’été des lucioles » raconte les vacances de Victor au Cap-Martin. L’occasion pour Gilles Paris de dresser une belle galerie de portraits : Gaspard, le meilleur ami de Victor, Justine, sa « petite fée », une vieille baronne et d’étranges jumeaux... Sans oublier ses deux mamans, Claire et Pilar, sa sœur Alicia. Et son père, François, qui les aimait trop pour ne pas prendre ses distances, plus vraiment là mais jamais très loin…

 

C’est parce que cet été est différent des autres que les certitudes de Victor vacillent. Sur le chemin des douaniers, riche de couleurs et de mystères, dans les villas majestueuses qui le bordent, Victor va trouver des raisons de grandir.

 

Gilles Paris a le goût et le sens de l’histoire. Il glisse dans son roman ce qu’il faut de surnaturel pour le faire osciller entre conte et roman d’apprentissage tout en imposant une naïveté qui rend chaque détail symbolique. Le lecteur y puisera ce que bon lui semblera, mais sortira un rien tourneboulé par ce parfum d’enfance qui fleure bon les promesses de la vie. 


« L’été des lucioles » de Gilles Paris. Editions Héloïse d’Ormesson, 17€.

 

 

« Autobiographie d’une courgette » devient un film d’animation

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10 septembre 2014 3 10 /09 /septembre /2014 21:32

Chez Marc Hillman, mollesse de la pensée et pétrification des mots n’ont pas cours. Mais pas besoin de faire long : Twitter est un terrain de jeu idéal pour cet auteur pince-sans-rire pour qui l’on en pince et qui n’en fait qu’à sa tête (à-queue) quand il s’agit d’aligner des aphorismes frappés, comme il l’écrit, « au coin du non-sens ».

 

Auteur, chez Larousse, d’un « Dictionnaire insolite des calembours » (avec P. Chaland), Marc Hillman signe aujourd’hui chez Mille et une nuits « Le Goût du non-sens », un recueil de 650 pensées inédites.

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Trompe-l’œil

 

Dans un court avant-propos, Marc Hillman rappelle que le non-sense, né en Angleterre, est un « trompe-l’œil  qui mêle l’illogique à la logique et s’avance avec le sérieux le plus soutenu et le plus sûr ».  Il regroupe ses aphorismes en une dizaine de rubriques, dont « Bizarres rient… et non-sens populaires », « Caresser dans le non-sens du poil » ou encore « On pourrait l’entendre à la radio ou le lire dans la presse ».

 

Et l’on constate une fois de plus que l’info n’est qu’une vaste question d’imagination, souvent tout aussi (mal)heureuse que la fiction :

 

« Ses hémorroïdes l’empêchaient de fermer l’œil » (merci à La Charente libre)

« Récemment, la foire aux dindes accueillait la doyenne de la commune » (vive la presse régionale !)

 

Dico

 

En fin d’ouvrage, Marc Hillman nous offre un « petit dico » en haute définition qui pourrait souvent pallier les coups de mou de plus d’un verbicruciste :

 

Jouets s’enfilent (sextoys)

Un peu dur d’oseille (radin)

 

Vous l’avez compris, on est ici dans le jeu de haut vol réalisé par un contorsionniste langagier, un équilibriste de la pensée qui met tous les coincés du bon mot sens déçus-dessous. Pour le plus grand plaisir d’un Alphonse Allais ou du poète belge Jean-Pierre Verheggen.

 

Marc Hillman signe un petit ouvrage rare parce qu’inépuisable, posé sur une table de chevet ou oublié sur un meuble, un puits de jouis-sens dans lequel on vient piocher avec délices comme dans une assiette de fruits défendus qu’on prendra soin de ne pas vider trop vite.

 

Et π voilà

 

L’ouvrage (n’ayons pas peur des mots) intitulé « Le goût du non-sens », sous-titré – ah ben non, je ne sais pas faire le π sur mon clavier… du coup je ne peux pas préciser « 650 aphorismes inédits et en des π du bon sens » – l’ouvrage, donc, est publié aux éditions Mille et une nuits et ne coûte que 3€. Ne pas l’acheter, à ce prix, ce serait une faute de goût. Et ça n’aurait pas de sens.

 

Olivier QUELIER.

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5 septembre 2014 5 05 /09 /septembre /2014 16:37

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Photo DR Plon


C’est un livre simple, mais riche de générosité. Cédric Gentil n’a pas vocation à faire œuvre de littérature, mais de partage. « … Mesdames et messieurs, votre attention s’il vous plaît » (Plon) relate le quotidien de ce banlieusard de 33 ans, conducteur de RER. Rien d’extraordinaire, direz-vous ? Voire. Etre aux commandes d’une machine de plusieurs tonnes transportant des centaines, parfois des milliers de passagers chaque jour n’est pas anodin.

 

Le grand mérite de cet ouvrage est de nous faire prendre conscience de l’existence de ce type qui, seul dans sa cabine de pilotage, mène une vie moins banale qu’il y paraît quand on y pense – et l’on n’y pense pas souvent.

 

Au quotidien

 

A l’origine était le blog éponyme. Cédric Gentil, frustré de ne pouvoir fournir de larges explications aux voyageurs, décide de raconter par le menu la réalité qui se cache derrière les brefs messages délivrés par haut-parleur. Le succès aidant, un éditeur lui propose de poursuivre l’aventure dans un livre au style dynamique, humain et très engagé : syndicaliste, Gentil explique ses déboires, ses combats et ses espoirs.

 

Bien sûr, « … Mesdames et messieurs, votre attention s’il vous plaît » raconte le quotidien des usagers du métro parisien et du RER de banlieue : les pannes, les retards, les « incidents voyageur » ou les avaries, la signalisation, les « codes mission ». Il raconte aussi, en creux, le parcours d’un jeune homme qui croit au service public, qui croit au civisme et à l’entraide, qui croit qu’avec davantage de dialogue, le quotidien serait plus chaleureux.

 

Avec humour et dérision parfois, toujours avec empathie, Cédric Gentil nous raconte comment il a débuté, un peu par hasard, comment il a failli rater son concours à cause d’une arrivée en retard, son travail pour devenir conducteur de RER, les épreuves à passer, le premier jour.

 

Parcours citoyen

 

Et aussi l’angoisse de l’avarie, cette panne qui le replonge dans le manuel technique, le difficile changement de rythme de travail, les conséquences sur sa vie de famille. Et encore le plaisir d’être seul dans la cabine, dans le silence imposé par la concentration, les panoramas incroyables, les levers de soleil, l’obscurité des tunnels sans fin. Et chaque jour la crainte de l’accident, la vigilance en entrant en gare, la peur de l’incident, le risque de se laisser enivrer par la petite pointe de vitesse fatale…

 

Cédric Gentil ne cache rien de son quotidien. C’est aussi touchant qu’intéressant. Au-delà des anecdotes attendues (car il s’en passe, des choses, dans le dos des conducteurs de métro et de RER) se dessine le parcours de ce jeune père de famille, enfant d’une famille fortement ancrée à gauche, militant convaincu et citoyen engagé pour un meilleur avenir. Auteur d’un livre vivifiant, et qui fait un bien fou.

 

Olivier QUELIER.

 

« … Mesdames et messieurs, votre attention s’il vous plaît », de Cédric Gentil, éditions Plon. 188p. 15, 90€.

 

 

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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 20:23

Se méfier des histoires de famille : elles pourrissent souvent la vie et polluent parfois les romans. Il faut posséder tout le talent d’Olivia Elkaim – mâtiné d’une pudique mais forte sensibilité – pour éviter cet écueil et livrer avec « Nous étions une histoire » (Stock) l’empathique portrait de trois générations de femmes.

Quand Anita accouche d’un petit garçon, elle est loin de répondre aux attentes de ses proches : l’image idyllique de la jeune maman heureuse et aimante est déchirée par les griffes de l’angoisse, du doute, de la peur.

écorché le bonheur, déchiquetée la complicité avec son mari. Anita doit prendre ses distances. Elle part, échoue dans un hôtel de Marseille où le passé a tout loisir de ressurgir en la personne d’Odette, sa grand-mère.

Odette, « le tabou absolu » : « Ma mère ne parle jamais de sa mère. A personne. Ni à ses amis, ni à mon père, ni à moi, comme si elle n’avait pas de mère, comme si elle ne s’inscrivait dans aucune histoire familiale ».

Redonner voix au passé

Retourner à Marseille, pour Anita, c’est redonner voix au passé : aux disputes incessantes entre Rosie et sa mère ; aux conversations entre Jo (l’amant) et Sauveur (le mari), les deux hommes d’Odette ; aux messages de Louis (l’époux d’Anita) qui accepte de lui reparler après quelque temps, après qu’elle a soigné sa « toxicité » de mère inapte aux baumes halitueux de la mémoire.

Dans une langue fière et sensuelle, pleine de rancœur et de chaleur, Olivia Elkaim évoque trois générations de femmes en butte à leur propre histoire. Et tire le titre de ce beau roman d’une chanson de Léo Ferré « Words… words… words… » :

« Je déchargeais des tombereaux de souvenirs
Nous étions une histoire et n’avions rien à dire ».

« Nous étions une histoire », d’Olivia Elkaim, éditions Stock. 256p. 18, 50 €.

Olivier QUELIER.


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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 19:06

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Ah bien sûr, il est facile de se moquer des bêtises des écoliers, collégiens et lycéens (par pure charité, j’épargnerai les étudiants).

Les perles du brevet et du bac sont devenues un marronnier et les meilleures (ou les pires) fautes/erreurs/inepties/maladresses/aberrations et j’en passe font florès sur les réseaux sociaux.

Les ignorer nous priverait cependant d’une part d’inventivité et de créativité, d’un sens de l’à-propos, d’une spontanéité tels que nous y perdrions en humour et en poésie.

Voilà pourquoi je ne saurais trop vous conseiller la lecture de « Brèves de cancres » (éditions Chiflet&Cie), recueil jubilatoire de 300 brèves collectées par des enseignants peut-être encore mal remis d’un coup de sang ou de cafard, ou d’une crise d’inextinguible fou rire.


Fulgurances de l’instant

Oublions un instant les sinistreux et reportons à plus tard le débat (qui doit néanmoins avoir lieu) sur le niveau actuel et cette lamentable volonté de supprimer les notes, au mensonge de supprimer des discriminations – comme si les responsables déma/pédagogiques ne portaient pas eux-mêmes, plus servilement encore, cette discrimination.

Bref. Quelques pages feuilletées et la tension retombe, nous sommes ici dans le domaine du cancre fantaisiste, roublard, écervelé, manipulateur ou rebelle… au royaume de l’enfance, avec ses fulgurances de l’instant et ses flatulences de l’esprit. Aucune discipline ne leur échappe : histoire, géographie, maths, sciences…


En cinq classes

A bien examiner ces perles, on constate que se dessinent des profils récurrents chez leurs auteurs. En voici la typologie en 5 familles ­– et quelques exemples drolatiques.


Les approximatifs

Ian Fleming est un espion qui a découvert la pénicilline pendant la guerre.


Les connectés

Les illettrés sont des gens qui ne reçoivent plus de lettres à cause de l’informatique et des mails.


Les directs

[Quel est le genre de ce texte ?] Il est très chiant.


Les logiques

La première cause de l’alcoolisme est la soif.


Les profs de français de demain…


[Donnez au moins quatre classes de mots] Les mots vulgaires, cochons, les mots difficiles à écrire, les beaux mots.

 

Et rien que pour le plaisir, mon préféré : « Les marins fréquentaient des femmes dans les ports et attrapaient souvent le scorpute ».


Olivier Quelier

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