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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 16:57

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« Jamais je n’oublierai mon ami Claude Klotz, alias Patrick Cauvin. Quand je pense à lui, je me dis qu’il était non seulement un écrivain exceptionnel, plume aux multiples facettes, dans la veine des très grands auteurs populaires qu’il admirait tant, mais aussi un « type » extraordinaire. Oui, « un type ». Ce mot lui sied à merveille, car il ne ressemblait à personne d’autre. Claude était hors du commun à tous égards. Sa compagnie était aussi séduisante que ses romans.

 

Chez lui, le talent n’avait pas besoin de forfanterie et de mise en scène. Il était si évident qu’il se conjuguait avec une simplicité et une sincérité sans apparat. Il ne faisait jamais semblant tout en étant d’une délicatesse attentive. Si quelqu’un lui déplaisait ou lui semblait importun, il passait son chemin, sans blesser. Il ne jacassait pas comme c’est trop souvent l’usage à Paris. Ses mots étaient à la fois rares et justes.

 

Il aimait la vie parisienne mais en évitait les pièges. Il s’était réfugié en hauteur, à Montmartre, certain ainsi de ne pas se laisser prendre dans le chaudron germanopratin. Il ne sollicitait personne, ne méprisait personne ni ne courait après personne. On allait naturellement vers lui. Il était indispensable à la littérature et aux proches qu’il avait choisis.

 

Denis Jeambar, « Portraits crachés », Flammarion, 19,90€


 

Le livre de Denis Jeambar, homme de presse (Le Point, L’Express) éditeur (Le Seuil) et écrivain (une vingtaine d’essais et de romans) présente les portraits d’une cinquantaine de personnalités, de Mitterrand à Chirac, de Rostropovitch à Lauren Bacall, de Serge Dassault à Blaise Pascal…

Des portraits tendres, cruels, acérés. Dignes et libres. Des portraits dans lesquels, bien sûr, Denis Jeambar se dévoile aussi. « Ce n’est pas l’essentiel mais je voudrais surtout qu’au terme de cette escapade dans quelques-uns de mes souvenirs s’impose l’idée que j’ai aimé la compagnie de mes semblables ».

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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 12:10

A l’occasion du Festival de la biographie de Nîmes, qui se déroule jusqu’à dimanche, voici une très belle définition du genre par Jean Favier, membre de l’Institut, qui co-préside la manifestation en compagnie de Memona Hintermann.

 

favier.jpgL’Histoire, c’est un regard sur l’homme, sur les héritages collectifs, sur les destins individuels. En un temps, en un livre, on embrasse des ensembles humains, des sociétés, des civilisations. En un autre, il semble bon d’entamer, par delà les années ou les siècles, le dialogue avec l’un de ceux qui ont fait l’histoire, qui en ont témoigné, souvent sans le vouloir, qui en furent les héros et les symboles où les tacherons significatifs. Une biographie, c’est un monde autour d’un homme, qu’il ait été notable pour ses contemporains ou choisi par l’historien.

 

C’est une tentative pour analyser ses choix, ses comportements, ses succès, ses échecs. Ainsi l’historien se garde-t-il d’une histoire désincarnée, d’une histoire sans visage. Il interroge, il s’interroge, aussi. Ni procureur ni avocat, il cherche à comprendre une vie.

 

Et il s’interdit de croire qu’il a tout compris.

 

Le festival de la biographie de Nîmes se tient au Musée du Carré d'Art jusqu’au 30 janvier 2011. Le thème retenu est celui de l’altérité : « Sous l'œil du biographe - l'Autre ». Plus d’une centaine d’auteurs sont présents.

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24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 18:01

Comment écrivez-vous ?

 

J'écris tout à la main. (…)  Ecrire à la main me force à ralentir. Et cela permet de contrôler le style. Vous pouvez voir la différence entre mes manuscrits et ma correspondance tapée à la machine : à la machine ou à l'ordinateur, je fais beaucoup d'erreurs car je vais trop vite. Pour l'écriture d'un roman, je n'utilise la machine ou l'ordinateur que lorsque je corrige mon manuscrit : là, je ne redoute plus d'aller trop vite car je connais l'histoire, je connais chaque passage et je les peaufine. 

 

Qu'est-ce qui est le plus important, l'intrigue ou le style ?

 

Le plus important de tout est le langage. Quand je commence l'écriture d'un roman, je sais déjà tout ce qui va se passer. L'intrigue est déjà en place. Je suis donc plus attentif au langage, plus concentré, car je ne suis pas en train de me demander : "Mais à quel moment Untel va-t-il se repointer ?" Je sais exactement quand Untel va se repointer : il va se passer cinquante ans avant qu'il se pointe de nouveau.

 

Donc, n'ayant pas à penser à ces choses, je me concentre sur ce que je suis en train d'écrire : "Ça c'est un passage descriptif, ça devrait aller doucement, les phrases devraient être courtes ; voilà le dialogue qui convient, à tel endroit cela devrait aller plus vite ; voici l'action, Jane est prise pour un ours, etc." Prendre les phrases, les raccourcir, accélérer le dialogue, c'est de l'action. C'est cela, le travail de l'écrivain. 

 

irving

 

 

Que pensez-vous de cette école qui affirme, avec Hemingway, qu’il faut aller à l'os, à l'essentiel, qu'il faut écrire au plus près de soi-même et que less is more  ?

 

Conneries ! Tout cela fait partie du faux machisme d'Hemingway. Les hommes sont intéressants car ils ne peuvent jamais rien dire de personnel et blablabla... Non, mais quelle stupidité !

 

C'est une échappatoire, une esquive. Hemingway utilise le moins de mots possible dans ses phrases. Si ça lui chante. Mais pourquoi ? Si vous vouliez courir, est-ce que vous vous attacheriez une jambe à vos fesses et sauteriez à cloche-pied ?

 

Pas moi, j'aimerais avoir deux jambes solides !

 


Il me semble qu'en affirmant cela, less is more, Hemingway représente l'antithèse des Sophocle, Shakespeare ou de tous ces écrivains du XIXe siècle qui écrivaient sublimement longuement, sublimement lentement, développaient les choses au fil du temps et des pages de telle sorte que vous pouviez, en lisant, voir les choses prendre vie. Tout le monde parle en sténo chez Hemingway. C'est un langage de secrétariat. C'est, tout simplement, ennuyeux. Less is more ? Non, less is less ! 

 

Extrait d’une interview réalisée par François Busnel pour LIRE :


Le texte complet est disponible ICI.

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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 20:56

Michel Déon, 91 ans, publie une version remaniée de son roman « Les Poneys sauvages » qui a obtenu en 1970 le prix Interallié.

 

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J’ai pensé –disons-le sans aucune modestie– que ce roman n’était quand même pas mal, mais qu’il méritait un petit coup de brosse. (…) Il y avait des choses vraiment inutiles : trop d’adjectifs, trop d’épithètes, des problèmes de ponctuation et de liaisons. Comme disait Jules Renard, je me suis relue en étant mon pire ennemi. On apprend par ailleurs beaucoup en lisant de mauvais livres. Je ne citerai pas le nom d’un auteur de la maison [NDLR : Gallimard] qui commence ses phrases, cinq ou six fois par page, par des « maintenant » ou des « quand ». Je me suis dit que je ne pouvais pas écrire aussi mal. J’ai donc beaucoup nettoyé.

 

(in Le Point n°1996, 16 décembre 2010 ; interview réalisée par Thomas Mahler)

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 21:45

C’est par [l]es articles [de Philippe Labro] parus dans divers magazines portant sur la « Beat Generation » que je fis connaissance avec Ginsberg, Kerouac, Corso, tous poètes, écrivains et clochards ­célestes, et que me prit le goût de leur ressembler : devenir un point minuscule sur le globe terrestre, sans drapeau ni identité, avide de rencontres, de villages perdus et de villes parfumées.

 

Labro, qui vagabonda de par les Amériques dès ses 18 ans, et ces trois-là, m’apprirent une chose essentielle : qu’il ne suffisait pas de se mettre à un bureau d’écrivain pour devenir écrivain mais qu’auparavant il fallait oser se coltiner aux hommes, Bédouins du désert ou golden boys de Wall Street, aux haleines étrangères, aux nuits à la belle étoile, humer comme un encens sacré les odeurs de benzène des autoroutes du monde. Pardon pour ce préambule, mais je devais à l’un, et aux trois autres, rendre un hommage public et rempli de gratitude pour cette clé capitale qu’ils m’offrirent à 21 ans et qui détermina ma vie.


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Philippe Labro vient de publier des chroniques intitulées : « 7 500 signes » (Gallimard). Yves Simon lui consacre un article dans Paris-Match.

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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 18:38

mankell-thumb-200x315.jpgChacun peut se reconnaître en [Wallander]. C’est la raison de son succès : il incarne l’homme d’aujourd’hui, un type désemparé. Je l’utilise comme un instrument de musique ou un outil : il me permet de raconter des choses essentielles.

(…)

Dès 1989, j’étais hanté par la xénophobie galopante. Le racisme est un crime. Et qui dit crime dit roman policier. Il me fallait donc un détective. Le polar est le genre littéraire idéal pour mettre en scène les dysfonctionnements de notre société, sans pour autant tomber dans le manichéisme. Un écrivain a, pour moi, le devoir de s’intéresser au monde, d’essayer de le comprendre. Si Wallander avait été français, ou si moi j’étais français, je l’aurais confronté à la révolution de 1789. Je l’aurais obligé à se poser quelques questions sur la France, le pays des Lumières, qui aujourd’hui expulse les Roms. La France, qui était notre phare, s’est aujourd’hui engagée dans un processus à l’opposé de ce qui la fonde. Tout cela m’accable.

 

Henning Mankell

(Interview dans Télérama n°3175, 17/11/10)

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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 19:29

Bret Easton Ellis à propos de son nouveau roman, « Suite(s) impériale(s) » dans Télérama du 1er septembre 2010 (n°3164).

 

24382_424961107597_388507467597_5296380_3136243_n.jpgLorsque j’ai commencé à publier, les choses étaient simples : vous étiez américain, vous écriviez un livre sérieux, il touchait un large public qui lui trouvait de l’intérêt et du sens, alors il devenait un succès mondial, puis connaissait une version de poche, etc. Le système fonctionnait ainsi et si, sur le fond, mes romans allaient d’une certaine façon contre ce fonctionnement, j’ai néanmoins été moi-même « vendu » ainsi : scandale éditorial, écrivain controversé, intéressé par la violence, la perversité… ça ne marche plus comme ça aujourd’hui. La société, le monde sont si fracturés, fragmentés, qu’il n’est plus possible pour les livres d’avoir un tel impact.

 

Je date la rupture du 11 septembre 2001. C’est le moment où nous sommes entrés dans un monde que je qualifie de « post-empire ». L’empire américain, c’est fini depuis 2001 – disons qu’en réalité cela s’est prolongé encore pendant quatre ou cinq ans. L’empire du roman, c’est fini. Nous avons toujours de bons écrivains, qui écrivent toujours de bonnes fictions, mais qui s’en soucie ?

 

Avec Internet, les messageries, Google, Twitter, Facebook… qui sait encore être attentif pendant plusieurs heures sans interruption, qui prend encore le temps de lire des romans ? Moi, parce que je suis né et j’ai grandi au temps de l’« empire » - il a même été très positif pour moi – parce que je suis vieille école. On peut décréter que c’est triste, si on veut peindre cela en noir. La réalité, c’est qu’on ne sait pas ce qui va se passer. L’ancien système, c’est fini. Et nous mettrons peut-être un siècle à nous installer dans le nouveau.

 

Le lien vers le site américain dédié à Suite(s) impériale(s) est ICI.

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18 septembre 2010 6 18 /09 /septembre /2010 18:21

1284285009645-1-0Les auteurs de polar sont par définition humbles puisqu’ils acceptent d’appartenir à un truc de genre, et en même temps ils ne sont intéressés que par l’importance des enjeux, l’énigme, le grand mystère résolu, la mort gratuite ou non, la manipulation, plus tout un tas de choses du même acabit qui sont le quotidien du polar et qu’on trouve peu, ou mal, dans les autres bouquins. Et quand on fait des films, on est drôlement content d’avoir des éléments qui sont à peu près sûrs d’attirer le chaland ou de l’intéresser en tout cas. Donc je ne vois pas pourquoi on tournerait autre chose que du polar.

 

(Extrait d’un entretien avec François Guérif, repris dans Le Monde Magazine, 18 septembre 2010).

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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 10:25

Dès « Tombeau pour cinq cent mille soldats » (1967), le présent s’est imposé. Parce que c’est le présent de l’acte d’écrire. L’imparfait met une distance entre ce qui est écrit et celui qui lit. Avec le présent, il n’y a plus d’obstacle. Après « Tombeau », j’ai avancé vers des textes relevant presque du théâtre, où des figures se parlent les unes aux autres, et le présent s’est imposé plus encore. Je sais que cela frappe les lecteurs car le présent est intrusif, il viole la distance qu’on cherche à mettre parfois entre soi et ce qu’on lit. Mais je veux cela : qu’on soit en même temps que moi dans le flux.

 

Pierre Guyotat, in Télérama, mars 2010 (entretien avec Nathalie Crom).

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6 mars 2010 6 06 /03 /mars /2010 11:09

schulhl.jpgLe mannequin, c’est aussi une approche de l’idée que je me fais de l’écrivain – celui que je souhaite être : un écrivain qui n’est pas inspiré, qui n’a pas tout un stock de souvenirs d’enfance ou d’expériences vécues à ressortir sur le papier. Tout, sauf un auteur avec un A majuscule, mais plutôt une sorte de médium, qui capte et recueille des choses qui l’entourent et sont extérieures à lui, avec un maximum de distance.


Ce que je revendique, c’est être un écrivain récepteur et émetteur de choses extérieures. C’est paradoxal, bien entendu car, lorsque l’écrivain prend son stylo, il faut aussi qu’il ait la maîtrise de ce qu’il fait. Mais est-ce que les deux ne sont pas jouables ? « Le poète doit être à la fois le magnétiseur et le médium », dit Baudelaire.

 

Jean-Jacques Schuhl, auteur de « Entrée des fantômes » (Gallimard), in Télérama3130 (06/01/10)

 

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