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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 14:33

Donner voix aux poètes, c’est la mission de la Maison de la Poésie. Donner voix à l’Anglais Tony Harrison, c’est une mesure de salubrité publique.

Parce qu’il est le porte-parole des dépossédés, des laissés pour compte, des oubliés. Claude Guerre met en scène son poème épique V., interprété avec une nonchalance hargneuse par Guillaume Durieux.                           Tony Harrison©channel4

Un spectacle à voir, pour son modernisme ; à entendre, pour son accompagnement musical. Et à écouter surtout, parce que les mots de Harrison vous grandissent.

 

Sur un mur, le drapeau anglais. Croix rouge sur fond blanc. Défilent des images : la guerre, le bombardement de Londres, Winston Churchill, le V de la victoire ; le V, plus injurieux, de Margaret Thatcher. Les grèves, les émeutes. Leeds ensuite, le football, Leeds United, les skinheads, le cimetière. La tombe des Harrison. Y est inscrit : « In affectionate remembrance » ; un peu plus bas, des graffitis.

Le drapeau tombe. Mur d’enceintes musicales. Un musicien apparaît sur scène. Le tempo s’installe. Tony Harrison (Guillaume Durieux) se promène dans le cimetière. Venu nettoyer le caveau de ses parents, souillé par des tags. Il croise un jeune au crâne rasé en train de bomber un mur. La confrontation commence. De cette rencontre naîtra, en 1985, un long poème épique, V.

Guillaume Durieux interprète ce texte sur la scène de la Maison de la Poésie. Costume et cravate noirs, chemise blanche. Sur fond de reggae, Harrison/Durieux s’interroge : « La faute n’est pas la leur uniquement, mais la nôtre ». Le dialogue s’engage entre le hooligan et le poète.

Si Harrison a écrit ce texte, « c’est pour chercher du sens à tous [c]es gribouillis ». « Pour la lutte des classes, on se fout de la poésie » lui rétorque le jeune. Musique toujours. Piano maintenant, plus tard hard rock. Le récit prend vie, prend forme, prend force. Le pouvoir aux mots : tantôt slam, tantôt vers classiques, vulgaires souvent et souvent lyriques.

L'heure des fantômes

Vient l’heure des fantômes. Brouillards. Obscurité. Un étrange valet s’agite. Sous ses mains, le mur d’enceintes devient cimetière. Promenade au milieu des tombes. Les vers en finissent : le poème s’achève. Harrison s’en va : « Je quitte Leeds sans jeter un regard derrière moi ». Les ombres s’épaississent. Noir.

Claude Guerre a fait le choix de la modernité pour cette mise en scène de V. Le musicien Jean-Phi Dary, habité par sa musique, offre à Guillaume Durieux une formidable partition. Le jeune comédien passe de la gravité désabusée à la gouaille populaire. Tour à tour rude et tendre, violent, profondément humain. Durieux est parfait dans ce rôle difficile, contrasté. Dans la partie rock du spectacle – la plus réussie – il possède l’élégance gracile d’un Mick Jagger furieusement arrogant.

Ces trois-là (Guerre, Dary et Durieux) savent parfaitement redonner leur force aux mots de Tony Harrison. Ils résonnent comme résonnent les alarmes, pour que jamais nul ne dorme en paix. Ils résonnent comme des appels à la vigilance.

Ils résonnent pour hurler au monde entier, encore et encore, partout et toujours, que « les poèmes peuvent naître de la merde ».

 

Jusqu’au 22 novembre à la Maison de la Poésie. Plein tarif : 22€. Tarifs réduits : 17€ à 8€. Renseignements et réservations : 01 44 54 53 00 (du mardi au samedi de 14h à 18h).

"V." de Tony Harrison à la Maison de la Poésie

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commentaires

O
<br /> Bonjour Laura,<br /> merci à vous de m'accueillir, histoire de découvrir, de partager...<br /> Amitiés,<br /> Olivier<br /> <br /> <br />
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L
<br /> bonjour et bienvenue dans la communauté "sur l'étagère de mon mur", au plaisir de vous lire.<br /> <br /> laura.<br /> <br /> <br />
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