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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 21:56

Thomas B. Reverdy est un écrivain français. Ses trois premiers romans constituent un cycle poétique sur les thèmes du deuil, de l’amitié et de l’écriture. Avec « L’envers du monde », il revient sur les attentats du 11 septembre 2001.

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut

 

9782021030587Sous le terme de «murs fantômes », les archéologues désignent les traces évidées des constructions disparues lorsque d’elles il ne reste qu’une empreinte. L’architecture des édifices anciens se lit ainsi en creux, sorte de photographie en négatif de ce qui fut.

 

Deux  ans  après le 11 septembre, « Ground Zéro » ressemble à cela. Une absence aux contours précis, imprimés dans les mémoires, un envers de paysage. Sur ce chantier, le cadavre d’un Arabe assassiné intéresse O’Malley, flic intègre et tenace. Autour du corps supplicié de l’ouvrier, l’enquête réveille d’autres spectres.

 

Près de 3 000 morts dans l’attentat, autant d’individus pulvérisés dans l’apocalypse d’une belle matinée de septembre, autant de destins tranchés net, dont les gravats ont parfois recraché quelques signes dérisoires. Candice, serveuse dans un bar, n’a toujours pas fait le deuil de son amoureux. Il travaillait dans l’une des tours. Elle n’a jamais su laquelle. Un jour, on lui a rapporté un portefeuille, un briquet, une montre cassée, pauvres trésors arrachés au chaos de Ground Zéro.

 

À tournicoter autour de cette balafre ouverte, il y a Pete, dont le corps obèse guide les visiteurs venus scruter la béance entre deux planches de palissades. Pete n’oublie pas. L’ex-flic à l’âme de patriote vengeur n’a jamais guéri de l’effacement des tours jumelles. Enfin, cet espace hanté attire aussi Simon. L’écrivain français taraudé par les deuils inachevés rassemble des fragments d’histoires liés à l’attentat. Simon, archéologue de la mémoire blessée de New York, met au jour les sentiments mêlés qui circulent dans la ville où la violence reste à vif.

 

À l’écoute des espoirs insensés, des effondrements, de l’amour capable d’atténuer l’irréversible, Thomas B. Reverdy trouve le ton juste pour dire l’absence et creuser autour des tours effacées jusqu’à retrouver les sensations précises d’une journée à nulle autre pareille. Sans effets tonitruants, il dit l’essentiel. « Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir », écrivait René Char. Ainsi en est-il des personnages de ce roman émouvant.

 

« L’envers du monde » de Thomas B. Reverdy, Seuil, 18 €.

 


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