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9 septembre 2011 5 09 /09 /septembre /2011 18:05

Chronique sociale dans l'Italie de Berlusconi, « D'acier », de Silvia Avallone, est sensationnel.

 

Un article de Frédérique Bréhaut

 

silvia_avallone_sophie_bassouls.jpgPiombino. Ses quatre barres d'immeubles miteux au bord de la plage, son aciérie cyclopéenne, le bleu cruel de la Méditerranée et au loin, les contours de l'île d'Elbe, incarnation miroitante de vacances inaccessibles. Chez les habitants de la cité ouvrière, les espoirs ne dépassent pas la frontière du rivage ou du "Gilda", boîte de nuit pathétique où des filles dénudées se déhanchent devant des hommes écrasés de fatigue.

 

Indifférentes au décor, deux gamines, brune et blonde inséparables, croquent les jours devant les regards médusés par tant de beauté. Anna, père vaurien, mère militante communiste, frère beau comme un dieu et Francesca, fille unique entre un père violent et une mère soumise, rêvent d'une autre vie peinte aux couleurs clinquantes de la télévision. En attendant de fuir la via Stalingrado, les deux sauterelles de 14 ans découvrent l'émoi des corps et testent l'effet de leurs jambes interminables sur les garçons pas encore brisés par le laminoir.

 

La tension monte tel un câble tendu prêt à se rompre, joue avec les nerfs du lecteur qui se demande lequel de ces personnages chutera du filin. Est-ce le bel Alessio, dont les narines cocaïnées absorbent le salaire, ou bien son  magouilleur de père, bellâtre immature toujours au bord de la prison, à moins que le sort ne frappe Christiano à la manœuvre de chorégraphies monstrueuses au volant de son Caterpilar ? Quel sort guette Enrico, masse abrutie, qui tabasse avec une égale équanimité fille et épouse ? Qui s'intéressera à Lisa, trop grosse, trop moche pour retenir le regard des garçons ?

 

Derrière les portes des appartements, il y a des pâtes sur le feu, des destins qui s'effacent en silence, des baffes, des regrets, des histoires d'amour, des pardons convertis à l'indulgence pour le prix d'une bague ou d'une promesse. Via Stalingrado, le velouté des peaux et des heures est éphémère.

 

La vie palpite à chaque page. Qu'elle s'attarde sur des adolescentes frémissantes ou sur de faux durs sentimentaux, Silvia Avallone excelle dès ce premier livre à frôler des existences rongées de l'intérieur mais toujours éperdues d'amour. Auprès de ces orgueilleux bouleversants, le roman social retrouve toute sa vigueur.

 

(Photo : Sophie Bassouls)

 

« D'acier » de Silvia Avallone. Traduit de l'italien par Françoise Brun.  Liana Levi. 387 pages. 22 €.

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