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24 août 2014 7 24 /08 /août /2014 15:43

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Philippe Mac Leod est un taiseux, un poète du silence. Nous en avons longuement parlé, dans un TGV qui nous ramenait, ainsi qu’une flopée d’auteurs, des Journées du livre et du vin de Saumur.

 

Mac Leod y avait obtenu le prix Omar Khayyam 2014 (ouvrage exaltant l'ivresse poétique) pour son ouvrage « Le Vif, le Pur » publié aux éditions du Passeur et était reparti, un peu gauche, les bras chargés de cadeaux encombrants.

 

Le prix ni les cadeaux ne l’avaient consolé de la journée : Philippe Mac Leod n’est pas homme de salon (quel qu’il soit) et le spectacle des auteurs assis derrière une table à attendre le visiteur, le lecteur, l’acheteur – quand on est poète… – lui a laissé un goût amer et fait regretter ses montagnes de calme et de méditation.

 

Philippe Mac Leod est un poète du silence. Il le dit, le répète : il est très peu connecté. Un téléphone portable pour le travail saisonnier et précaire qui ne le distrait guère de son œuvre, une adresse mail pour envoyer ses textes et échanger avec quelques interlocuteurs.

 

Pour le reste, rien du monde moderne ne le concerne : chez lui, dans les Pyrénées, ni téléviseur, ni radio, ni source de musique. Une modeste voiture pour pouvoir assurer son boulot alimentaire. Pas de femme ni d’enfant. Pas d’animal de compagnie...

 

Mysticisme

 

Rien qui puisse détourner Philippe Mac Leod du silence, de sa quête de contemplation, de mysticisme même : « Les pages que rassemble ce recueil en appellent à la clarté de la vie qui parfois se laisse surprendre dans l’éblouissement de sa nudité, son intensité, ses vertiges, tout ce qui en elle nous échappe, nous plongeant dans le plus grand désarroi et le plus grand bonheur ».

 

« Le Vif, le Pur », sous-titré « Poèmes pour un visage » est un recueil qui traque cette transparence au cœur même de son expérience de vie. Il livre une soixantaine de textes au langage profond, qui tirent leur limpidité de la nature, des paysages :

 

« Tout nous vient, tout nous est rendu

Avec le ciel vivant, le ciel de septembre ».

 

Dans la poésie de Mac Leod, les mots comme les hommes sont perdus, ballottés, ne cherchant qu’à rejoindre « la vie dans son ignorance ».

 

« Nous sommes parvenus jusque dans l’octobre qui dénoue les chemins ».

 

Peu à peu, le poème se dessine et les mots, encore déboussolés, « voudraient rendre à la parole ce pouvoir incomparable, non plus de nommer, de capter, de saisir, mais d’être elle-même le cœur battant du mystère ».

 

Silence

 

Ce soir-là, Philippe Mac Leod ne put revoir ses chères montagnes. Trop de trajet encore, il dut passer une nuit à Paris, près de Montparnasse, et partir à la première heure pour pointer sans retard au travail des hommes communs.

 

Un jour, m’expliqua-t-il de sa voix douce et posée, – ni ascète ni esthète, libre poète hors du temps – son regard clair protégé de fines lunettes me fixant autant qu’il se perdait parfois dans la quête de mots et d’images ­– un jour, donc, Philippe Mac Leod écrira son grand recueil sur le silence. La montagne l’y aidera. Sa foi l’y aidera. Et nous aussi l’y aiderons, à notre manière modeste, prosaïque, maladroite, épatés par cette quête spirituelle évidente et si solitaire.

 

Vous êtes au-dedans, en vos chants désordonnés

Et moi au dehors, pas assez mort ou si peu vivant

 

Olivier Quelier.

 

 

« Le vif, le pur. Poèmes pour un visage », Philippe Mac Leod, éditions Le Passeur. 92p. 14, 90€.


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Philippe Mac Leod (micro à la main) à  Saumur pour la remise du prix de poésie.

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28 juillet 2014 1 28 /07 /juillet /2014 22:52

« Ces poèmes-là
J'en ferai des serpillières
Pour éponger voyez-vous ça
Le lait renversé des neiges 

La poésie ne sert à rien 
Je ne tricote pas le monde
Je rechiffonne le terrain
J'essuie la lune entre les tombes

Eh bien à force de fourbir
Quelque chose reflamboie
Je ne sais quoi de clair sur la lyre
Je ne sais quoi d'aurore sur les croix

Oh pas fort pas dru pas libre
A peine encore un frais printemps
Mais ça va venir ça va venir
On entend chuinter le balai de l'ange

Ote-toi laisse-moi rêver
Disait le vieux
Théophile
Je sens un feu se soulever
Ensuite disait-il »

« Chiffonnerie » de Jean-Philippe Salabreuil.


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Jean-Philippe Salabreuil est mort à Paris, à l’âge de 30 ans.

Il est l’auteur de trois recueils de poésie : « La Liberté des feuilles », « Juste retour d’abîme » et « L’Inespéré ».

 


La poésie, comme il le confiera dans un texte en prose adressé à Claude Michel Cluny et qu'il appelait ses Commentaires lyriques, est une entreprise où les possibilités même de vivre sont en jeu : « Il est un dangereux point de l'esprit créateur. Celui où l'écriture n'étanche plus mais aiguise la soif de l'absolu et commence une lente chute vers le vide et le silence. »

(extrait de universalis.fr)

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12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 15:26

Un court art poétique tiré du « Livre des exemples » d’Ibn Khaldoun (1332- 1406). Ce texte est cité dans l’ouvrage de Gérard Macé, « Pensées simples », publié chez Gallimard (2011).

 

« La poésie ce sont les vers dont on a redressé les premiers mots,

et dont on a poli toutes les parties,

On en répare les fissures par les longueurs

on en soigne la cécité par la concision.

On y réunit le proche et le lointain,

on y joint les eaux dormantes aux eaux vives. »

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 17:39

Je souhaite dans ma maison

Une femme ayant sa raison

Un chat passant parmi les livres,

Des amis en toute saison,

Sans lesquels je ne peux pas vivre.

 

Guillaume Apollinaire

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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 18:25

L'art poétique, très peu pour lui. Ou alors plein de fantaisie et de drôlerie. Loin de Boileau, Raymond Queneau a concocté quelques poèmes rigolos qui parlent de l'inspiration, de la rime, des mots... En voici deux parmi tant d'autres...

 

Bien placés bien choisis

 

Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu'on les aime
pour écrire un poème
on sait pas toujours ce qu'on dit
lorsque naît la poésie
faut ensuite rechercher le thème
pour intituler le poème
mais d'autres fois on pleure on rit
en écrivant la poésie
ça a toujours kékchose d'extrême
un poème.

 


Pour un art poétique


Prenez un mot prenez en deux
faites les cuir’ comme des oeufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d’innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et mettez les voiles
Où voulez vous donc en venir ?
A écrire Vraiment ? A écrire ?

 

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15 août 2013 4 15 /08 /août /2013 18:18

Je lis Jean Tardieu depuis longtemps. J'aime son travail -son jeu- sur la langue. Et je me replonge régulièrement dans "Monsieur Monsieur", "Un mot pour un autre" ou, bien sûr, "La Comédie du langage". Et voilà qu'au gré de quelque recherche, je tombe sur ce poème tiré de "Formeries". Les mots, outils d'un artisan comme Tardieu, méritent d'être partagés !


 

Outils posés sur une table

Mes outils d'artisan
sont vieux comme le monde
vous les connaissez
je les prends devant vous :
verbes adverbes participes
pronoms substantifs adjectifs.
Ils ont su ils savent toujours
peser sur les choses
sur les volontés
éloigner ou rapprocher
réunir séparer
fondre ce qui est pour qu'en transparence
dans cette épaisseur
soient espérés ou redoutés
ce qui n'est pas, ce qui n'est pas encore,
ce qui est tout, ce qui n'est rien,
ce qui n'est plus.
Je les pose sur la table
ils parlent tout seuls je m'en vais.

Jean Tardieu, "Poèmes pour la main droite" Formeries

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