Bob Woodward est une légende du journalisme d’investigation. Avec Carl Bernstein, il a soulevé le scandale du Watergate, en 1972. Il publie ces jours-ci un nouveau livre, « Les Guerres d’Obama » (Denoël). A cette occasion, il a accordé une interview à Annick Cojean pour Le Monde Magazine. Il y livre notamment sa vision du journalisme. Extraits.
Le système est obsédé par la vitesse, l’obligation de répondre à une pseudo-impatience du public, alors que ce monde complexe a besoin d’un journalisme de grande qualité, qui exige travail et enquête en profondeur. On ne fait pas un reportage par téléphone ou en surfant sur internet. Les informations révélées dans l’affaire du Watergate ne se seraient pas trouvées sur le Net. Gorge profonde [le pseudonyme de l’informateur de Woodward dans l’affaire du Watergate] n’aurait pas de compte Facebook. Nos sources étaient humaines, il a fallu les chercher, les convaincre, leur soutirer chaque renseignement.
(…)
Contrairement aux journalistes qui twittent, bloguent, actualisent leur article huit fois par jour, je prends mon temps. Je me déplace, je vais voir les lieux où se déroule l’histoire, je rencontre une foule de gens que j’interviewe longuement – quatre, cinq heures et je demande à revenir ! – afin de reconstituer minutieusement un puzzle. Un interlocuteur me raconte une réunion. Un deuxième ajoute quelque chose. Je trouve un troisième qui a pris des notes. Ou qui dispose de documents. Il faut toujours essayer d’avoir une base écrite. Du coup, je contacte les autres en demandant de confirmer, d’infirmer, de développer, de donner leur propre version. Je retourne voir les premiers, fort de ce que je sais. Et l’histoire se tricote peu à peu. (…) On ouvre le système en montrant que l’on dispose déjà d’un maximum d’informations.
(in Le Monde Magazine du samedi 2 avril 2011).