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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 18:35

Inspiré par le gang des barbares, Morgan Sportès signe, avec « Tout, tout de suite », un livre glaçant.

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut.

 

Morgan-Sportes.jpg

« Rien n’est plus compliqué qu’un barbare » disait Flaubert. Nul n’a oublié le calvaire d’Ilan Halimi enlevé, séquestré puis assassiné en 2006. Vingt ans après avoir écrit « L’Appât », Morgan Sportès tente de comprendre. Comment des jeunes peuvent en arriver à torturer un garçon de leur âge pendant trois semaines avant de l’achever sur un terrain vague ? Comment abdiquer toute humanité sur la promesse d’une poignée de billets ? Un mode de vie guidé par le "Tout, tout de suite" ne suffit pas à expliquer l’abjection poussée à ce degré d’indifférence.

 

Au bout de l’abjection

 

Car c’est cela qui frappe le plus dans la chronique glaçante de Morgan Sportès. L’écrivain, parfaitement documenté sur le "Gang des barbares", s’en tient aux faits, à leur enchaînement hallucinant au-delà de l’entendement. On pourrait évoquer la misère sociale, intellectuelle, affective, mais comment expliquer que les sœurs de certains garçons impliqués aient suivi de brillantes études ?

 

Elles aussi ont grandi à la Cité des Cerisiers de Bagneux, cité au demeurant assez coquette, loin des clichés des barres peuplées de "cassoces". Le versant antisémite du crime (rançonner une famille au prétexte que la judéité implique richesse et solidarité communautaire) s’il a été un rouage avéré, ne contient pas davantage à lui seul ce qui est advenu en cet hiver 2006 autour de tortionnaires recrutés indistinctement parmi les "Renois", "Rebeus" et "Gaulois", unis dans une égale abjection.

 

Aux basques de ceux qui, de près ou de loin, ont trempé dans cette épouvante, le récit suit la mécanique approximative, parfois improvisée entre une station Karcher et une sandwicherie grecque, qui conduit Elie vers un calvaire de 24 jours sans que quiconque n’ait l’idée de donner l’alerte. Pire même, n’ait une ombre de compassion pour ce garçon jamais baptisé par la bande autrement que "L’Autre". Les protagonistes, enfermés dans des zones opaques, restent inaccessibles à la compréhension. Au bout de ces 400 pages d’une reconstitution réussie jusqu’au malaise, les questions demeurent.

 

« Tout, tout de suite » de Morgan Sportès. Fayard. 378 pages. 20,90 €.

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