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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 22:05

Jean-Luc Coatalem signe avec « Le gouverneur d’Antipodia » un roman drôle autour de deux exilés sur un îlot.

Une chronique de Frédérique Bréhaut
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Au nom de la compagnie La Glaciale, deux hommes veillent sur Antipodia caillou austral perdu entre l’Antarctique et la Tasmanie. Albert Paulmier de Franville, banni du Quai d’Orsay pour ses écarts de conduite, purge sa punition avec la morgue de l’aristocrate déclassé. Accroché à sa devise, "Je maintiendrai" il se flatte que son compagnon d’isolement, Jodic, un rude breton exilé par déception amoureuse, lui donne du "gouverneur" quand bien même le titre s’est mué en un ironique et désinvolte "Gouv".

Sainte Hélène des déchus

A bord de ce vaisseau de pierre, Sainte-Hélène des déchus, le huis clos entre les deux hommes se borne aux tâches quotidiennes: transmettre les informations météo, entretenir les bâtiments et veiller sur le troupeau de chèvres. À l’insu de Gouv qui leur accorde un statut patrimonial, Jodic amenuise la colonie caprine trop grande consommatrice à son gré de rava-rava, cette plante aux vertus hallucinogènes dont le Breton fait ses délices en douce. On s’évade comme on peut…

Réduite à la seule compagnie d’un disgracié et d’un taiseux, l’île compte chichement ses distractions. D’ailleurs, malgré les songes érotiques nourris par une pauvre cassette vidéo, les Troyat et autres Guy des Cars de la bibliothèque, l’ordinaire des jours se détraque. Sur Antipodia attaquée par des vents voraces, les solitudes sont plus toxiques que le rava-rava. Ainsi lorsqu’un naufragé échoue, la pièce a déjà basculé vers la tragédie autour de Gouv et Jodic repliés sur leurs souvenirs obstinés.

Jean-Luc Coatalem scrute la folie des hommes, qu’elle les cueille en pleine mer lorsqu’un marin est balancé par-dessus bord dans l’indifférence générale, ou qu’elle gangrène leurs âmes orgueilleuses sur une île oubliée.

Chez le romancier à la prose étincelante, la langue est sublime et les personnages étonnants. On ignore si Jean-Luc Coatalem a eu recours au rava-rava pour accompagner ses insulaires au caractère granitique. En revanche, on sait que ce récit suspendu en mer est son roman le plus intrépide et le plus fou.

 « Le gouverneur d’Antipodia » de Jean-Luc Coatalem. Le Dilettante. 190 pages.

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