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30 mars 2010 2 30 /03 /mars /2010 22:44

Une chronique de Frédérique Bréhaut

 

D.FERNANDEZ.jpg« Il est le véritable subversif de la littérature russe ». Dostoïevski? Vous n’y êtes pas. Celui auquel Dominique Fernandez consacre un essai magistral est Tolstoï, le barine d’Iasnaïa Poliana, domaine de 2 000 hectares, point d’appui de cet homme de silence et de solitude.

 

A la recherche de Tolstoï, Dominique Fernandez débusque sous l’aristocrate héritier du prince Volkonski un personnage hors du commun, vénéré de son vivant. A l’écart des décharges d’adrénaline qui électrisent les personnages de Dostoïevski, Tolstoï reste le fin observateur de la nature humaine, soucieux « du mot juste, précis, dégagé de toute nuée prophétique ». « Anna Karénine » ou « Guerre et Paix » atteignent l’intemporel grâce à cette proximité avec les palpitations de la vie. « C’est en restant ancré dans sa terre et son milieu qu’il a écrit des œuvres universelles, c’est en s’isolant du monde moderne qu’il l’a devancé » argumente l’essayiste.

 

La promenade littéraire s’attache au caractère pétri de contradictions du géant des lettres quitte à pointer ses revirements lorsqu’il abandonne sa neutralité exemplaire pour céder au moraliste.

 

Car la complexité de l’homme épouse les contours d’une vie contrastée au gré des âges. Jeune libertin, puis hobereau père de treize enfants et enfin,  vitupérant contre l’art dépravé pendants ses dernières années, Tolstoï échappe aux carcans. L’écrivain tourmenté sait aussi assumer ses engagements. Il dénonce ainsi sans ambages la guerre contre les Tchétchènes (dans Hadji Mourat) ou les abus de l’Eglise.

 

Captivant lorsqu’il évoque la proximité avec les paysans ou effleure cinquante ans de crise conjugale entre l’écrivain doté d’une sensualité débordante et son épouse Sophie, « muse et contre muse », Dominique Fernandez est un merveilleux guide que l’on suit en des zones insoupçonnées. L’élégance de la plume à l’unisson de la netteté du propos font de ce compagnonnage avec Tolstoï un pur régal.

 

« Avec Tolstoï » de Dominique Fernandez. Grasset. 332 pages.

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